Nina
Elle avait de grands yeux et de longs cheveux bruns ondulés. Elle avait un nez retroussé, parsemé de taches de rousseur et des lèvres pleines qu’elle maquillait toujours d’une légère teinte rosée. Elle était dotée d’une beauté pure et simple, sans artifices. Discrète, timide mais toujours le mot pour rire. Elle ne prenait rien au sérieux, et son sourire communicatif suffisait pour vous faire oublier, l’espace de quelques instants, toutes vos préoccupations.
Je ne sais pas vraiment à quel moment je suis tombé amoureux d’elle, j’ai le sentiment de l’avoir toujours été. Peut-être était-ce dès l’école primaire, j’ étais nouveau et elle m’avait proposé un morceau du biscuit que sa mère lui avait préparé. J’avais timidement accepté et le lendemain, ce fut moi qui lui apportai le goûter pour la pause de quinze heures. Chaque jour, nous échangions les rôles sans savoir que cela marquerait le début d’une amitié inébranlable. On avait survécu a tout: l’adolescence, les premiers petits amis, les vacances d’été sans autre contact que nos appareils électroniques, les disputes trop violentes pour des sujets anodins et même à la fin du monde de 2012. On pouvait tout dépasser si nous étions ensemble.
Tout, sauf ce fameux vendredi 28 mars 2014, le jour où un cancer généralisé m’a été diagnostiqué. « Tout va bien se passer, Peter. Fait moi confiance. On se retrouvera, peu importe le temps qu’il nous faudra. », m’avait elle chuchoté avant de déposer un baiser sur mon front. Je pouvais sentir une de ses larmes froides tomber sur ma joue et glisser jusqu’à la base de mon cou où le col de mon tee-shirt l’absorba. Je regrette encore de ne pas avoir eu la force d’ouvrir les yeux ce soir là, ou même d’ouvrir les yeux pour graver chacun de ses traits dans mon esprit car sans le savoir, ce fut la dernière fois que je la voyais. Une voiture qui roule trop vite, et son manque d’attention en sortant de l’hôpital ont eu raison d’elle. Morte sur le coup, m’avait-on rapporté. Mon état, « bien trop fragile », d’après les médecins, ne me permit pas de lui dire un dernier au revoir, à ses funérailles.
J’ai longuement cru que je partirai le premier, mais je comprends maintenant que j’avais tort, qu’on ne prévoit pas ces choses là. A présent, elle veille sur moi comme elle l’a toujours fait et je sais que tôt ou tard, quand l’heure sera venue, je retrouverai mon ange. Elle me l’a promis.